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Un autre abattoir est possible

  • par Emmanuelle Vibert
  • 12 août 2015
  • 3 min de lecture


Dans les abattoirs, c’est la crise. Une crise économique. Une crise éthique. Et quand des petits producteurs se battent pour élever leurs animaux avec les meilleurs soins, ils voient trop souvent leur travail saccagé en fin de course. Il existe cependant des solutions pour abattre les animaux plus dignement. On s’y met quand ?


Pas brillant comme modèle économique. D’autant que les scandales se multiplient. Ce sont des asticots dans la viande hachée, des services vétérinaires corrompus que dénonce Pierre Hinard — ancien responsable qualité dans l’entreprise Castel Viandes — dans son livre Omerta sur la viande. Dans Bon Appétit !, la journaliste Anne de Loisy souligne, elle, la généralisation de l’abattage halal, la pénurie de contrôle vétérinaire, la souffrance aussi des ouvriers… Alors, pour ne pas être complice de ce système devenu fou, on peut devenir végétarien. On peut aussi proposer de relocaliser l’abattage, d’y réintroduire du sens. Voilà quelques pistes pour repenser le secteur.



Mailler le territoire avec des petits abattoirs


« L’abattoir le plus proche est à 140 km. Hier, j’y ai envoyé une vache de réforme. Le camion est venu chez moi puis est passé dans d’autres fermes. Au final, ma vache a parcouru près de 400 km pour arriver à l’abattoir », raconte un éleveur des Yvelines qui préfère rester anonyme. Pierre Bouchez, lui a plus de chance. Il produit avec son fils Les Viandes du Châteauneuf, dans le Pas-de-Calais, et mène ses bêtes à l’abattoir de Fruges, à une douzaine de kilomètres de l’exploitation. Ses veaux nourris à l’herbe et au lin ne passent pas des heures interminables entassées dans un camion.

« J’emmène les bêtes, raconte-t-il, elles montent aussitôt sur la rampe. Un quart d’heure plus tard, c’est fini. C’est artisanal. » Impossible de proposer de la viande de qualité, d’accompagner les bêtes jusqu’au bout dans de bonnes conditions, de vendre véritablement en circuit court, sans rétablir des abattoirs artisanaux, partout en France. Une vraie mission de service public dont devrait s’emparer de nouveau les politiques.



Les abattoirs collectifs


Ici ou là, des producteurs, des bouchers se relèvent les manches et investissent ensemble, pour créer des abattoirs collectifs. Cela peut-être laborieux. Pierre Bouchez a tenté le coup plusieurs fois, sans succès jusque-là. « Avec 5 millions d’euros, on pourrait y arriver, explique-t-il. Les pouvoirs publics pourraient en financer la moitié, les producteurs le reste. Mais aucun d’entre nous ne peut prendre le risque d’investir, notre situation est trop précaire. »

D’autres fois, ça marche. Dans le Beaufortain (Alpes), 36 éleveurs se sont regroupés en 1996 pour que les vaches de race Tarine du coin soient abattues sur place. Aujourd’hui, leur société d’intérêt collectif agricole (SICA) produit 300 tonnes de viande par an, travaille avec quatre restaurateurs et valorise les carcasses 1 € du kilo au dessus du prix du marché.



L’abattage en unité mobile


« Aucun abattoir mobile ne circule officiellement en France, en dehors des périodes d’abattage rituel, bien que différentes recherches et propositions de prototypes aient été réalisées et qu’un camion abattoir ait circulé dans certains pays européens (en Autriche par exemple) », peut-on lire dans Le Livre Blanc pour une mort digne des animaux, très bel ouvrage collectif qui donne la parole aux éleveurs et explore les solutions d’abattage alternatives pour soulager leur détresse et celle des animaux. Ces camions abattoirs se déplaceraient sur les fermes, supprimeraient le transport des animaux, réduiraient leur stress, permettraient aux éleveurs de rester proches de leurs bêtes jusqu’au bout.



L’abattage à la ferme


« Faire venir à la ferme un tueur professionnel, s’assurer de la collaboration d’un boucher pour le traitement de la carcasse et la découpe, vendre soi-même la viande ainsi produite, tout cela est interdit et lourdement sanctionné, insiste Le Livre Blanc pour une mort digne des animaux. Pourtant, ainsi que le soulignent les éleveurs, cela permet d’éviter tout stress aux animaux (puisqu’ils restent chez eux), de les tuer dans les meilleures conditions de proximité, de temps et d’attention. »



Le retour du rituel ?


Les sociétés primitives, en accord avec la nature, les pratiquaient. Transposés au XXIème siècle, les rituels permettraient de redonner du sens à notre consommation. « Ce qui compte, ce n’est pas la procédure religieuse, normalisée, désincarnée, mais le fait de disposer de temps, pour penser, pour accompagner les animaux, dire adieu, pour réfléchir à ce qu’on est en train de faire et l’accepter, peut-on lire dans Le Livre Blanc. »




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