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L'équation de l'abeille

  • par Nicolas Pinet
  • 19 avr. 2015
  • 3 min de lecture

Photographie : Fabrice Mouyon

Certains disent qu'avec la disparition des abeilles l'humanité ne lui survivrait que de huit petites années. Ce chiffre huit n'est pas sans rappeler les huit minutes de rayons solaires que nous continuerions à recevoir si le Soleil s'éteignait subitement.

Ces belles ouvrières portent sur leurs ailes la pollinisation des plantes, de fleurs en fleurs. Elles sont l'expression bourdonnante de l'harmonie complexe du fonctionnement de la Vie sur Terre. Or, il y a quelques mois je lisais que la Chine, grand pays à l'avant-garde de la destruction des écosystèmes, parmi tant d'autres malheureusement, avait commencé à polliniser des plantes à la main. Les économistes assoiffés de croissance devraient s'en réjouir cela crée de l'emploi et de nouveaux flux économiques puisque des ouvriers sont embauchés et des intermédiaires peuvent désormais vendre du pollen.

Certains auront peut-être l'audace de se sentir rassurer. « Puisque les abeilles sont en danger, il est bon de savoir que nous pouvons leur survivre ! » s'exclame un individu lambda imaginaire.

De notre côté, essayons d'envisager les choses d'une autre façon. À travers ce que nous pourrions appeler l'équation de l'Abeille :


Plantes + Pollen + Abeilles = Reproduction + Miel


Le cycle de la vie continue à fleurir et les ruches s'emplissent de miel. Reprenons cette équation et remplaçons les abeilles par le labeur humain ou technologique :


Plantes + Pollen + Labeur humain = Reproduction - Plantes « inutiles »


Dans cette équation, nous n'insisterons pas sur l'énorme perte en terme de biodiversité qu'entraînerait inévitablement une pollinisation manuelle, ou même réalisée par des nano-abeilles métalliques. Ni même sur les conséquences de la disparition d'une espèce comme l'abeille des niches écologiques (ensemble d'organismes vivants constitué de plantes, insectes et animaux, qui occupent un territoire et dont la disparition d'un élément de la niche peut entraîner la disparition de bien d'autres).

Le Miel constitue la grande perte littérale de cette équation, dont nous pouvons également faire une perte ô combien symbolique à de nombreuses tentatives de substituer à la Nature un procédé technique. Certains argueront peut être que la Science peut également produire un miel artificiel, mais ces tentatives sont insatisfaisantes. Pour avoir grandi au Québec, où les érables donnent ce sirop emblématique du Canada, j'ai également pu goûter des imitations artificielles. Ces imitations submergent vos papilles d'une impression chimique bien triste. Et je n'imagine pas l'être humain capable de reproduire le miel qui est le résultat d'une subtile virtuosité. Le Miel est d'ailleurs un sucre d'une qualité inestimable, y compris pour la santé.


Ceci dit, il ne faudrait pas interpréter mon propos sur la Science comme un rejet de celle-ci. Ce serait s'imaginer que la Science est un bloc indissociable qu'il faut accepter ou rejeter dans son ensemble. Ce qui est évidemment faux. Je préfère faire mien le regard de Carl Sagan, grand astrophysicien plein d'humilité et d'humanisme, qui mettait en évidence l'ambivalence de la puissance scientifique de notre espèce. Si la Science peut détruire, elle peut également être au service de l'Homme et de la Nature. Plusieurs initiatives le démontrent. Il faut s'inquiéter d'une forme d'application de la Science tout en s'émerveillant de celle qui est réellement bénéfique.


Et maintenant, que faire de cette équation ? Elle n'a aucun intérêt si elle ne nous sert qu'à nous désoler. Non, sa raison d'être formulée est bien de mettre en évidence un objectif positif. Je crois que les signaux alarmistes et désespérants existent en nombre très largement suffisant. Si quelqu'un aujourd'hui n'est pas inquiet pour l'avenir de la planète au vue des éléments actuels, il ne sera convaincu que lorsqu'il sera largement trop tard.

Cette équation ne doit pas être une marche nouvelle vers un désespoir qui me semble répandu chez beaucoup. Cette impression que nous détruisons inéluctablement la planète n'a d'intérêt que si elle provoque une indignation active. Or, je crois que le désespoir qui y est lié ne nous donne qu'un lourd sentiment d'impuissance accompagné d'une léthargie qui en plus de nous faire souffrir n'a pas d'autres résultats bien souvent que celui de nous permettre de rester bien confortablement installé dans notre canapé. Malheureux ? Peut-être, mais surtout inactif.


Il faut abandonner cet état d'esprit au profit d'un objectif humaniste et positif, sans quoi nous ne nous libérerons pas de notre inaction. Il faut quitter son canapé, et travailler pour le Miel. Non pas pour le produire nous-mêmes vainement, mais pour permettre aux abeilles de continuer à le créer. Travailler contre la destruction, c'est mettre en avant le négatif. Travailler pour le Miel, symbole d'une Nature harmonieuse et généreuse est un changement de regard qui me semble nécessaire.


 
 
 

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